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Faire advenir la complexité pour refaire corps : Silence du chœur de Mohamed Mbougar Sarr, une poétique du franchissement des frontières symboliques

Virginie Brinker / Université de Bourgogne / France

Silence du chœur est le deuxième roman de Mohamed Mbougar Sarr. À travers ce roman haletant de plus de 560 pages, décrivant l’arrivée de soixante-douze hommes subsahariens dans un village d’Italie, l’auteur s’emploie à démonter les frontières effectives et déconstruire les frontières symboliques que les hommes érigent entre eux par peur de se perdre ou se remettre en question. Le roman pointe ainsi la nécessité de faire corps social en faisant advenir la complexité des personnages et des situations, tout comme la nécessité de faire « corps avec le lieu » (Sarr, 2022, p. 119) en renouant avec la vérité profonde du mythe. Pour cela, l’auteur déploie toute une poétique au service du franchissement des frontières symboliques, qu’il s’agisse d’outrepasser la frontière des mots eux-mêmes, ou de littéralement déplacer le lecteur, en le conduisant à éprouver la durée (principale ennemie des ragazzi), ou bien la polyphonie (premier pas vers l’examen critique). Les frontières entre l’art et la vie s’en trouvent elles aussi repoussées, comme au théâtre, genre vers lequel tend l’ensemble du récit, peut-être seul à même de garantir la possibilité de « refaire corps » après le chaos.
Mots-clés : Migration ; Frontières symboliques ; Complexité ; Mythe ; Corps

Soixante-douze hommes subsahariens, soixante-douze raggazi (« gars » en italien), débarquent à Altino, un village sicilien. Tel est le point de départ de ce roman qui s’emploie à décrire la rencontre (ou la confrontation) de ceux qui arrivent puis attendent, et de ceux qui les accueillent ou refusent de le faire. Du côté des aidants, il y a notamment Sabrina ‒ la présidente de l’association Santa Maria ‒, et ses autres membres : le padre Bonianno, Carla, Lucia, ou encore Jogoy Sèn, un ancien ragazzi. Du côté des opposants, figurent entre autres Maurizio Mangialepre, le chef de file des nationalistes, et ses cousins, les jumeaux Sergio et Fabio Calcagno, ultra-violents, tenant des discours « aux accents semi-fascistes » (Sarr, 2022, p. 498).

Mais rendre compte ainsi, de manière si polarisée, de la galerie de portraits déployée par Silence du chœur serait échapper à l’« avènement de la complexité » (Sarr, 2022, p. 419) mis en scène par le roman. D’abord, parce que le roman accorde très largement la parole aux ragazzi eux-mêmes. Bemba, Salomon, Fousseyni, s’y expriment largement, au grè de dialogues reproduits et discordants qui invitent à penser la diversité et la complexité des situations. Ensuite parce que des pans entiers du roman, dans des pages grisées, rédigées à la première personne, sont même consacrées au journal tenu par Jogoy Sèn depuis son départ du Sénégal, lui qui a survécu à sa terrible traversée et s’emploie désormais à aider ceux qui arrivent, en étant traducteur. Cette figure de l’écrivain, quelque part, puisqu’il fait le lien entre les mondes et manie la langue, est elle-même redoublée par des figures d’artistes (Vera et Vincenzo Riviera, ou encore Giuseppe Fantini), dont les approches du sujet de la migration sont aux antipodes, offrant au roman une dimension métatextuelle indéniable. La question abyssale des fonctions d’une œuvre d’art face au sujet de la migration se trouve ainsi posée, mais également en partie résolue par les propositions esthétiques de Mohamed Mbougar Sarr.

Nous montrerons en effet que l’art de la nuance et les modalités poétiques du franchissement des frontières symboliques mises en œuvre dans le roman, tant au niveau des mots (le choix de certaines désignations), qu’au niveau de la structure de l’œuvre (polyphonie, digressions, invitations au déplacement critique du lecteur…) ou encore du rapport du roman au mythe et au genre théâtral, invitent à poser la question migratoire dans sa dimension existentielle avant tout. C’est parce que les ragazzi renvoient à la condition humaine dans son ensemble, et parce que les lecteurs sont invités par des choix énonciatifs et scripturaux à se reconnaître en eux que « faire corps avec le lieu » et « faire corps social » semblent pouvoir advenir comme deux modalités à même de déjouer les frontières symboliques dans Silence du choeur.

1. Des frontières infranchissables ?

1.1. Frontières effectives

Le village fictif d’Altino, présenté dans le roman, est inspiré d’un village sicilien bien réel dans lequel Mohamed Mbougar Sarr a séjourné pendant plus d’une quinzaine de jours en 2015, en compagnie d’un de ses amis poètes, à la rencontre de ceux qui arrivent puis attendent. Altino, village situé au pied de l’Etna, a tout d’un lieu-frontière, tel que défini par Michel Agier, ces lieux pouvant s’étendre sur une ville, voire un pays, contribuant considérablement à étirer la notion de frontière, et partant à la redéfinir dans l’espace, aussi bien que dans le temps :

Que se passe-t-il juste de l’autre côté de la frontière, dans les « ghettos » de Kidal, Tinzawaten ou Gao au Mali, où se regroupent les expulsés et où ils se réorganisent pour préparer d’autres tentatives de passage de frontières ou pour organiser leur protestation publique ? Leurs questions, lentes à se résoudre, participent d’un étirement de la frontière dans la durée. Ces lieux sont des lieux-frontières. Ils nous ramènent à la problématique de l’élargissement de la frontière (ses espaces, sa durée) qui est une des caractéristiques générales du temps présent, à l’opposé de la croyance en une mondialisation abolissant les frontières. (Agier, 2013, p. 69)

Cette attente, c’est effectivement celle qui est subie par les ragazzi du roman, attendant de plaider leur cause en racontant leurs histoires, lors de commissions d’évaluation dans l’espoir de pouvoir décrocher du travail et un titre de séjour. Eux qui pensent leur périple terminé après de périlleuses traversées, après avoir pris tous les risques et s’être sauvés de dangers, se voient déniés toute capacité d’agir, se voient contraints de cadenasser leur énergie débordante, des mois durant.

1.2. Frontières symboliques : racisme et exclusion

Dès le début du texte, qui met en scène leur arrivée dans la ville, sous le regard de ses habitants, en l’espace d’une simple phrase, l’enchainement des prépositions dit les frontières symboliques auxquelles les ragazzi se heurtent : « ils étaient là, ils marchaient devant eux, parmi eux, vers eux, contre eux » (Sarr, 2022, p. 75). On peut les applaudir, comme les conspuer et les insulter, depuis les fenêtres :

Détrousseurs ! On vous troussera ! Nègres ! Je vous chasserai ! On est chez nous ! Boxeurs ! On est chez nous ! Orang-Outans ! Hommes de cales ! On est chez nous ! Profiteurs ! Chez nous ! Fainéants ! Chez nous ! Voleurs ! Nous ! (Sarr, 2022, p. 79)

Le racisme grossier qui se déploie ici, par les références à l’animalisation et à l’esclavage, laisse entrevoir ce sur quoi se fonde – dans la langue ‒ le discours haineux, à savoir la fabrique d’un antagonisme : le pronom « je » laisse la place au « nous » ; un « nous » construit par opposition à un « vous » ; un « vous » conçu comme un être au pluriel, englobant et englobé.

Les frontières symboliques érigées par le discours de haine des partisans de Maurizio Mangialepre sont en effet sensibles dans le chapitre 9, où les invectives fusent ne souffrant aucun compromis :

‒ Vous les avez croisés en venant ?

‒ J’ai changé de trottoir.

‒ Je ne veux pas d’eux ici, je leur ai bien dit.

‒ Vous avez vu leurs yeux fureteurs ? À peine arrivés, ils cherchent déjà à voler.

‒ On n’est plus en sécurité, c’est certain. (Sarr, 2022, p. 86)

L’effet de quasi stichomythie théâtrale ménagé ici est riche de sens. Là où elle est souvent ce qui porte le conflit théâtral ‒ les visions du monde divergentes des personnages ‒, les répliques fusent, dans ces pages, unanimes, sans admettre aucune dissonance. On retrouve ici l’un des traits du discours populiste, pointés par Patrick Charaudeau dans son article « Pathos et discours politique » : « prendre la parole est un acte d’exclusion de la parole (pendant qu’on parle, l’autre ne parle pas) qu’il faut pouvoir légitimer » (Charaudeau, 2008, p. 51). Cette légitimation passe ainsi par « la mise en scène du pathos », notamment via des « stratégies discursives dramatisantes », ce qui se produit ici avec un crescendo des risques fantasmés associé à une « topique de l’angoisse » et de « l’antipathie » (‒ Et nos enfants ? Surtout nos filles… / ‒ Vous avez vu ce qui s’est passé en Allemagne ? Des viols de masse ! Devinez les coupables ! » (Sarr, 2022, p. 86)), face à laquelle il convient de « s’instaurer en sauveur » (Charaudeau, 2008, p. 55) : « ‒ On est chez nous ! Ils nous envahissent ! / ‒ Nous chassent ! / ‒ Nous remplacent ! / ‒ Il faut continuer à faire comme hier, leur montrer, qu’on ne les laissera pas passer » (Sarr, 2022, p. 88).

Sans passer par la totalité de ces marqueurs discursifs, une certaine radicalité est présente aussi, dans les discours de certains ragazzi, notamment ceux de Salomon, en particulier lors d’un épisode où les membres de l’association proposent aux ragazzi de poser pour un calendrier afin de récolter des fonds :

Vous nous demandez de poser pour votre calendrier… Nous refusons… Nous ne poserons plus. Nous ne sommes pas là pour poser pendant que la détresse tue nos familles. Trouvez-nous du travail au lieu de nous faire poser, donnez-nous les papiers. (Sarr, 2022, p. 237)

Cet épisode est très symbolique, et quasi métatextuel, puisqu’il est question, au fond, à travers la photographie, de la représentation des ragazzi par l’art, et de ce qu’ils sont censés eux-mêmes représenter. Il est aussi ambivalent, se situant entre une entreprise d’humanisation, d’une part, pour certains membres de l’association caritative Santa Marta, et de réification de leurs corps, de l’autre, pour certains ragazzi. Mais on voit, en tout cas, dans la citation qui précède comment Salomon, et Bemba à sa suite, utilisent les pronoms de manière à mettre en scène les antagonismes. Non seulement le pronom personnel « nous » est immuable et connaît une inflation importante dans l’énoncé, comme pour galvaniser les troupes, mais cela est d’autant plus visible que le « vous », lui, change de nature. Désignant d’abord les membres de l’association, il finit par les englober dans une catégorisation politique et étatique qui les dépasse largement (« donnez-nous les papiers ») ; ils seraient ainsi responsables du maintien des ragazzi dans cette attente mortifère, ce qui est, à l’évidence dans le roman, un contresens. Le grossissement et la globalisation de la figure des aidants dans un « vous » qui a toutes les caractéristiques opposées à celles d’un « nous » (indignité/dignité ; futilité/nécessité ; volonté de nuire à autrui/empathie envers les familles), n’est pas sans rappeler l’idéologie, symétriquement opposée pourtant, des ultras, qui eux aussi érigent les pronoms et les humains les uns contre les autres. Rien d’étonnant dès lors à ce que l’épisode se solde dans une radicalité absolue : « La vraie mort, c’est Altino. La vraie mort pour nous, c’est la tranquillité. Votre association… Vous nous tuez. Nous vous tuerons. » (Sarr, 2022, p. 240). Ici, le glissement de la mort métaphorique (liée à l’attente, l’inaction, l’énergie vitale contrariée) à la mort littérale (« nous vous tuerons »), mime parfaitement le mécanisme de la radicalité.

Par ailleurs, tout en rendant audible un certain discours postcolonial de la part de certains ragazzi dans cette scène – « Nous ne sommes plus au temps de l’esclavage où le nègre n’était qu’une force de travail, corvéable et battable et tuable par l’homme blanc » (Sarr, 2022, p. 239) –, l’interruption de Jogoy Sèn vient mettre au jour le dysfonctionnement du dialogue : « Mais qui a parlé de ça ? dit Jogoy. Carla n’a jamais dit ça, Bemba. » (Sarr, 2022, p. 239). En effet, Carla, membre de l’association venue s’expliquer avec les ragazzi sur les malentendus posés par la question du calendrier, est accusée de maux qu’elle n’a pas commis et auxquels Salomon l’accuse pourtant d’avoir participé, tout en lui confisquant la parole. Les frontières symboliques érigées ne permettent pas l’écoute et le dialogue. Si, pris individuellement, les arguments de la réification des corps et de la futilité de l’entreprise peuvent avoir une possible légitimité, ils ne sauraient être assénés sans prise en compte du réel point de vue d’autrui, donc, sans volonté d’échanger et de partager des arguments autour d’un sujet.

C’est donc précisément sur ces deux terrains que le roman entendra se battre : introduire de la nuance et de la complexité ; offrir une pluralité de points de vue par une composition polyphonique.

2. Déconstruire les frontières

2.1. « L’avènement de la complexité » : faire corps social

« Il fallait des boucs émissaires pour empêcher l’avènement de la complexité » (Sarr, 2022, p. 419). Refusant tous les types de boucs émissaires, l’écriture de Mohamed Mbougar Sarr va, au contraire, creuser en premier lieu les personnages, de manière à en faire ressortir forces, faiblesses, aspérités, tensions internes. Les personnages sont en effet croqués avec nuance et complexité. Le Padre Bonianno, contrairement à ce que pourrait faire penser sa condition d’ecclésiastique « n’avait pas honte […] de la seule émotion qui semblait l’habiter : la rage » (Sarr, 2022, p. 69). Cette rage ne l’empêche pourtant pas de rechercher une relation authentique et amicale avec les ragazzi, lui qui parle sérère et tient à les saluer un à un à leur arrivée par une poignée de main. « Moins homme d’église qu’homme » (Sarr, 2022, p. 327), comme le mentionnera l’épitaphe sur sa tombe, tout en lui fourmille de paradoxes, jusqu’aux antithèses utilisées pour le décrire, quoi qu’il soit à l’évidence l’un des personnages les plus positifs du roman. Lucia, l’une des bénévoles de l’association le présente en effet de la sorte : « Padre Bonianno est la plus bienveillante personne que je connaisse, mais la forme de cette bienveillance peut effrayer » (Sarr, 2022, p. 293). L’épitaphe (Moins homme d’église qu’homme) est ainsi très certainement à prendre au son sens fort. Ce qui meut le Padre, ce n’est ni la peur de l’enfer, ni la recherche du Salut, c’est son humanité, une humanité loin d’être lisse et exempte de tensions, quoi que l’on puisse penser de l’onomastique quasi transparente de son nom.

Les autres personnages ont également une part d’ambivalence, notamment les membres de l’association Santa Marta. Carla ? « Une fille intelligente et sensible. Mais elle est encore un peu tendre… » (Sarr, 2022, p. 280). Sabrina ? « Un bulldozer de charité. Combative et impitoyable dans ses admirables engagements. Mais je ne pense pas qu’elle comprenne toujours tout… » (Sarr, 2022, p. 280) résume le Padre. Et que dire de Jogoy Sèn ? « Courageux et un peu perdu. Entre deux eaux… » (Sarr, 2022, p. 280), cet ancien ragazzi devenu traducteur et accompagnant, est en effet perpétuellement pris entre deux feux et accusé par certains ragazzi d’être un traître, depuis qu’il a régularisé sa situation. C’est ce que traduit parfaitement ce paragraphe qui le présente, tout en antithèses et symétrie inversée, flirtant avec la paronomase « désiraient »/ « détestaient » :

Il incarnait ce qu’ils désiraient devenir mais détestaient puisqu’ils ne l’étaient pas encore et n’étaient pas certains de pouvoir jamais l’être : un homme qui avait ses papiers. Il était la personnification de leur paradoxe : à la fois objet de leur désir et objet de leur jalousie – voire de leur haine. (Sarr, 2022, p. 235)

Même Maurizio Mangialepre, le chef de file des nationalistes, gagne, lui aussi, en épaisseur au chapitre 42, où sont narrées sa rencontre et son idylle lors de leurs études communes de droit, avec Sabrina, la présidente de l’association Santa Marta, devenue son adversaire. Un temps, il a défendu comme elle les immigrés et « il n’y eut jamais autant de régularisations et d’accueils de sans-papiers qu’au temps où ils officiaient ensemble » (Sarr, 2022, p. 384), jusqu’à l’arrivée d’Hampâté, un ragazzo admiré de tous, y compris de Sabrina, qui va nourrir la jalousie de Maurizio, puis son dépit amoureux, le conduisant au meurtre. Et que dire aussi de ses cousins, les jumeaux Sergio et Fabio Calcagno, ultra-violents, tenant des discours « aux accents semi-fascistes » (Sarr, 2022, p. 498), sinon que la perte de son frère plonge Fabio dans une haine absolue ? Il ne s’agit pas de les épargner par le récit ‒ puisque leur aveuglement est manifeste ‒ ni de relativiser la gravité de leurs actes ‒ eux qui ont orchestré une tuerie dans le bar du village, faisant six morts et neufs blessés, en cherchant à faire porter le chapeau aux ragazzi ‒, mais de nous donner accès, là encore, à une certaine complexité, pour éviter de désigner de façon trop hâtive et dangereuse des boucs émissaires, encore une fois. L’être humain est complexe et ambivalent, il est en cela irréductible à des discours qui viendraient l’enfermer, le contraindre, le plier à une seule facette de lui-même : « Complexe, mêlée, belle et laide à la fois, tantôt baignée par la lumière des cieux, tantôt plongée dans l’abjecte fosse au cœur de toute âme. Voilà ce qu’était l’humanité. Rien d’autre » (Sarr, 2022, pp. 206-207).

À une autre échelle, le docteur Salvatore Pessoto, traduit quant à lui la complexité des situations des aidants. Lui qui entraîne, lors de son temps libre, l’équipe de football des ragazzi, refuse de se complaire dans ce rôle d’accompagnant s’achetant une bonne conscience à moindre frais ou par charité :

Le football ne sauvait pas les ragazzi. Au contraire, c’était leur échafaud, et lui, l’un de leurs bourreaux, le plus cruel sans doute : celui qui leur faisait croire que la grâce était encore possible alors qu’il n’en avait jamais été question. Le marchand d’illusions. Tout ceci devait s’arrêter. Qu’importait la honte de ne pouvoir venir à bout de cette misère. Elle était toujours plus supportable que l’autre honte, celle qui consistait à faire croire aux ragazzi qu’ils étaient en train de s’en sortir. Cette honte-là était doublée d’un odieux mensonge. Et il ne voulait plus mentir. (Sarr, 2022, p. 272)

Au-delà de la complexité du personnage lui-même, donc, c’est la tension que comporte la question de l’accueil qui se trouve ici mise en scène, de manière métonymique, puisqu’il en est question dans tout le roman. Il ne s’agit pas d’applaudir les migrants ou de les insulter (comme lors de leur premier « défilé » dans les rues d’Altino) ni d’adopter des postures factices et caricaturales, mais bien de prendre la mesure de notre propre impossibilité de ne rien faire et, simultanément, de notre incapacité d’agir de manière significative. Tension vertigineuse, récusant tout manichéisme, mais qui ne pétrifie pas pour autant, à condition de creuser les questionnements et récuser toute opinion définitive. C’est ce à quoi semble inviter le roman, en mettant en scène, notamment, les doutes auxquels sont en proie les membres de l’association. C’est particulièrement visible dans le chapitre 22 où il est question de « mieux vivre ensemble » (Sarr, 2022, p. 198). Des dialogues, empreints de questionnements béants et non exempts d’autocritique, retranscrivent les dilemmes qui se posent aux aidants, la recherche de solutions concrètes et pécuniaires, ou pour entrer en relation véritable avec certains ragazzi. « Que faut-il faire, si tous nos efforts pour les rendre heureux n’attirent chez eux que frustration et colère ? », avait demandé Carla au Padre Bonniano avant sa mort :

Padre Bonniano avait gardé le silence quelques secondes, puis lui avait répondu qu’il ne fallait peut-être pas essayer de les rendre heureux selon sa propre idée du bonheur, parce que c’était là une erreur responsable de bien des malheurs humains. Il avait rajouté qu’il ne savait pas précisément ce qu’il fallait faire, mais veillait en tout cas à ce que l’indifférence ne l’emporte pas. […] Il faut faire face […], faire visage […] veiller à avoir un vrai visage humain. (Sarr, 2022, p. 333)

Ainsi, la galerie de portraits présentée dans Silence du chœur invite à dépasser préjugés et évidences. En misant sur la diversité, l’ambivalence et la complexité des situations et des personnages, le roman élargit le propos sur la migration à celui sur l’humanité dans son ensemble, premier pas vers une véritable composition du « corps » social.

2.2. Retrouver la terre-mère et le sens du mythe : faire « corps avec le lieu » (Sarr, 2022, p. 119)

Une bonne part des productions contemporaines traitant de la migration consacre la métaphore des « migrants » en « Ulysse » modernes. C’est, notamment, ce qu’a montré Claire Lechevalier dans son article « Les larmes d’Ulysse : portraits du ‘migrant’ en ‘héros grec’ ». Au-delà de de l’utilisation de l’expression du « complexe » ou « syndrome d’Ulysse »[1] pour tenter d’analyser et de comprendre les souffrances psychiques liées à l’expérience de l’exil forcé et de la migration, elle s’intéresse aux enjeux du recours au personnage du héros grec pour représenter les exilés dans de nombreuses productions artistiques, notamment théâtrales, qui peuvent se faire tantôt « support[s] d’une réflexion sur la « désidentification » à l’œuvre dans les parcours de migrations [Ulysse a une « identité floutée », il est parfois même Personne] », tantôt invitation à

représenter le migrant non pas sous le trait univoque d’une victime, mais dans son activité de lutte, sa capacité à agir, à s’adapter, mais aussi à rêver, à espérer. Il peut inviter à s’interroger sur les ambivalences de situations qui mêlent souffrance et ‘héroïsme’. (Lechevalier, 2020, §6)

Dans le roman de Mbougar Sarr, l’analogie avec L’Odyssée est reprise, mais avec un pas de côté. Ce sont des ragazzi-Pénélope qui sont présentés :

Ainsi, tous les jours, ils faisaient le monde, le défaisaient, le refaisaient, le décousaient, puis le retissaient encore, à l’identique, modernes et masculins Pénélope, occupés à un ouvrage-monde sans fin et plongés dans une attente dont l’horizon reculait. (Sarr, 2022, p. 337)

C’est un signe du fait qu’au-delà de la référence intertextuelle et de l’analogie le recours au mythe dans le roman fait l’objet d’un traitement tout à fait singulier. Dès le début du roman, l’arrivée des ragazzi est narrée sur un mode mythique, par une référence à un temps cyclique immémorial qui fait retour :

Ils continuaient à marcher. En même temps qu’elle parut se substituer au monde, la ville sembla aussi se rétrécir, devenir une minuscule scène. Ragazzi et habitants s’y trouvaient pris : proches, condamnés à ne pouvoir ni s’ignorer ni s’éviter, comme deux êtres sur le point de se croiser dans une étroite ruelle. Le moment d’où toute la beauté – mais aussi tout le malheur – de l’histoire avait surgi se répétait : des hommes en rencontraient d’autres. (Sarr, 2022, p. 77)

C’est dire l’importance de la métaphore de cette première rencontre entre humains. Par le biais du mythe, mais aussi de la théâtralité (via l’allusion à la « scène »), tous deux jouant de leurs performativités respectives, de leur statut de paroles agissantes, la migration apparaît comme le symbole d’une condition propre aux humains, ce que les discours idéologiques et anxiogènes, focalisés sur une actualité et une dramatisation toujours plus spectaculaire, tendent à occulter. Le roman s’emploie dès lors à retrouver la puissance du mythe fustigeant « les fausses idoles que l’effondrement de leur [aux hommes] conscience du mythe avaient consacrées » (Sarr, 2022, p. 119). Retrouver la dimension mythologique de la migration, c’est retrouver sa dimension proprement existentielle, celle qui peut nous inviter à envisager une manière d’habiter le monde, ensemble. Et tout ceci n’est pas abstrait. Cela part d’un phénomène très concret. Michel Agier rappelle en effet que les lieux-frontières sont propices à la rencontre, la confrontation, d’individus qui n’avaient pas prévu de devoir le faire. C’est ce qu’il nomme des « situations de frontières », à savoir des situations « où l’on découvre des gens que l’on ne connaît pas, dont on ne connaît éventuellement pas la langue, pas la manière de s’habiller, de parler, de penser, et inversement pour eux. Donc il faut trouver quelque chose qui fait qu’un dialogue soit possible, qu’une forme d’échange soit possible » (Agier, 2019, p. 234). Ce « savoir-être » est une manière d’habiter – et de construire – politiquement le monde, comme le précise également le philosophe Étienne Tassin :

Car on ne saurait être-au-monde sans être-avec. Non pas avec les siens, ses proches, selon des affinités naturelles ou culturelles, mais avec ceux, au contraire, avec qui on n’est pas et avec qui on a à agir. Aussi cet être-avec est-il un agir-avec dont dépend, sur un mode politique, l’être-au-monde. Le monde n’est donc pas ce que nous avons (déjà) en commun, en partage, mais ce que notre action ensemble peut faire advenir comme monde commun dans l’institution de rapports avec les autres, étrangers, et l’étrangeté de soi. Si « étrange » que cela paraisse, il semble que ce soit à condition d’accueillir l’étrangeté de l’autre et la sienne que le monde cesse de nous être étranger, et nous d’être étrangers au monde, à cette condition que l’hospitalité peut être le nom d’une cosmopolitique. Mais encore faut-il que la « vie » ‒ économique, politique, sociale, culturelle, mais aussi idéologique et technique – ne s’acharne pas à détruire ce monde » (Tassin, 2003,177).

Cet « être-au-monde » et « avec », ce « monde commun » progressivement « advenu » dans le roman, c’est celui qui s’est progressivement construit entre certains villageois et les ragazzi et qui culmine lors de la victoire de l’équipe de football d’Altino, comprenant de nombreux ragazzi, fêtée dans la Tavola di Luca, narrée dans le chapitre 46. Jusqu’à, précisément, que le bar soit « pris d’assaut » (Sarr, 2022, p. 413), pour des raisons essentiellement « idéologiques », les ultras de la région ayant été ameutés pour faire un sort à la « vermine à combattre » (Sarr, 2022, p. 497). Est-ce dire la précarité de ce « monde commun » érigé par les hommes eux-mêmes ? Sa difficulté ? Sans doute.

C’est peut-être la raison pour laquelle le roman recourt au mythe, notamment dans les séquences descriptives consacrées à l’Etna, en tant qu’il permet de creuser la question de la relation à l’autre et à soi-même, nous pousse à nous redéfinir et redéfinir notre rapport à l’autre, mais aussi au monde, au cosmos. En effet, retrouver le mythe et sa « crainte sacrée », retrouver en particulier la mémoire du « culte populaire et animiste [qui, pendant longtemps] avait été rendu [à l’Etna], avec ses rites, ses danses, et ses sacrifices » et ne pas la considérer comme « une vieille femme [que les hommes] prostituaient au tourisme, aux photos, aux guides, au commerce, à la laideur du kitsch », c’est renouer avec ce « temps où les hommes, qui n’avaient pas l’arrogance ou le désespoir de se croire seuls, savaient encore faire corps avec le lieu » (Sarr, 2022, p. 119).

Retrouver comment faire corps avec le lieu, c’est bien de cela qu’il s’agit : habiter le monde ensemble, habiter la Terre, celle que nous malmenons, comme nous malmenons nos semblables, quotidiennement, courant ainsi à notre perte. Et c’est elle, la Terre, qui finit, en fin de roman, par rappeler sa toute-puissance tellurique, par l’éruption volcanique de l’Etna, qui poussera l’ensemble des protagonistes vers l’exode, de sorte que le corps à corps avec le lieu s’impose. La dimension existentielle de la migration, déjà évoquée dans l’épigraphe du roman avec la référence à L’Enéide de Virgile, « Personne n’a de demeure fixe ; nous habitons dans les bois sacrés opaques » (Sarr, 2017, p. 9), est ainsi proprement mise en scène. Tous les habitants d’Altino seront forcés de la découvrir, dans un parallèle explicite avec la situation des ragazzi, qui signe le retournement final des situations, la fin des antagonismes, et l’union au sein d’un même « convoi des exilés » (Sarr, 2022, p. 567) :

Chacun d’eux se demanda s’il pourrait un jour y retourner ou s’il serait obligé de retrouver une vie ailleurs. Tragique question qu’un jour, quittant leur terre dont ils ne voyaient plus que les lointaines lumières ou la silhouette enténébrée, plusieurs ragazzi qui étaient à leurs côtés durent aussi se poser. (Sarr, 2022, p. 563)

C’est l’Etna et sa « langue de pierre » (Sarr, 2022, p. 427), pour reprendre le titre de la dernière section du récit, et, à travers elle, la Terre qui a le dernier mot à la fin du roman, loin du tumulte et des discours idéologiques et fanatiques des hommes, loin du chœur tragique qu’ils forment ; c’est elle qui donne son titre au roman : « L’ultime chant ne leur appartenait pas. Il revenait à l’Etna. Elle l’avait lancé, seule. Puis le chœur d’Altino avait fait silence » (Sarr, 2022, p. 567). Et c’est la puissance du mythe, lui qui « relate et relie » (Sarr, 2022, p. 561), loin de toute forme de frontière réelle ou symbolique, qui se trouve consacrée par les tout derniers mots du texte avec la statue d’Athéna, épargnée, qui s’anime et prend vie pour venir insuffler et transmettre au seul survivant – celui que l’on retrouve dans le prologue de l’ouvrage ‒ « la mémoire du lieu » pour qu’il en fasse le récit : « Ce serait à lui que reviendrait la tâche de dire le récit des ragazzi d’Altino » (Sarr, 2022, p. 568).

3. Poétique du franchissement des frontières

3.1. Le choix des désignations

« Mouvances », un laboratoire regroupant des mastérants et doctorants qui mènent une étude critique, notamment lexicologique, des discours produits sur les migrations, a analysé dans un article intitulé « Migrant∙e/réfugié∙e » (lui-même fortement inspiré de l’article de Pierre Fiala, « La famille migr-, champ lexical et affrontements discursifs »), l’emploi des termes « migrants » et « réfugiés », en tant qu’ils sont les plus utilisés depuis le début des années 2000, et particulièrement depuis 2013, pour qualifier (généralement au masculin) les personnes arrivant sur le territoire européen. L’article montre combien l’emploi de ces termes a évolué et à quel point leurs usages sont rarement neutres, que ces termes soient confondus ou au contraire opposés. Ainsi, si l’emploi du mot « réfugié » est attesté dès le XVe siècle, et précisé au XVIIIe siècle pour désigner les huguenots ayant fui la France durant les guerres de religion, c’est en 1951, avec la Convention de Genève, que « réfugié » devient une catégorie juridique définissant le droit à l’asile et permettant de protéger des individus personnellement victimes de persécutions politiques. Face au terme « réfugié », le terme d’« immigré » aurait une connotation plus économique, désignant directement ou indirectement les travailleurs étrangers. Le dérivé « migrant », issu du participe présent du verbe « migrer », est, lui, de construction plus tardive. Il est apparu au milieu du XXe siècle, soit près de deux siècles après les mots « immigré », « émigrant » ou « immigrant », entrés dans le lexique au XVIIIe siècle. Dans ses premières acceptions, « migrant » était surtout employé comme synonyme d’« immigré », mais la construction du mot « migrant » sur la forme du participe présent insiste sur l’état de la personne, la présentant comme intrinsèquement en mouvement. Ce n’est que dans les années 2000 que le mot « migrant » se serait donc véritablement généralisé dans le langage courant. Ne correspondant à aucune catégorie juridique ou administrative officielle, ce terme était alors considéré comme une catégorie plus neutre que celle d’« immigré », bien plus employée, et devenue péjorative. Il avait d’autre part une portée générale, regroupant tous les individus en mobilité non touristique, qui se déplacent d’une région à une autre ou d’un État à un autre, titulaires ou non d’un titre de séjour. Cependant, à partir de 2011, et plus encore de 2015, avec les naufrages en Méditerranée, le sens du mot « migrant » tend à se spécifier et désigner les populations fuyant guerres et conflits, dictatures et violences, notamment celles venues d’Asie ou d’Afrique. Parallèlement, trois usages du mot « migrant » ont cours, dans le langage médiatique et courant. Il est utilisé soit comme un synonyme de « réfugié », soit comme un hyperonyme, soit comme un antonyme : les réfugiés fuiraient les persécutions, là où les migrants seraient non contraints et venus pour des raisons majoritairement économiques, sans tenir compte du fait que les raisons sont souvent entremêlées. Une étude récente portant sur l’emploi des termes « migrants » et « réfugiés » dans 339 articles (282 478 mots) des versions papier du Monde (171 articles) et du Figaro (168 articles), les grands quotidiens français de référence, s’attache à mesurer si le débat initié le 20 août 2015 par Barry Malone, éditeur de la version anglophone d’Al-Jazeera en ligne, publiant un article sur son blog annonçant que le média n’utilisera plus le mot « migrant » pour couvrir les évènements de l’actualité, a eu un impact sur l’emploi des termes dans ces deux journaux français. Après une démonstration pointue, l’étude montre que « si le terme réfugié a été recalibré selon son sens légal, le mot migrant n’a pas été supprimé mais plutôt renforcé dans son contexte économique » (Calabrese et Mistaen, 2018, §87). On mesure ici combien les mots spécialisés dans la dénomination des personnes en déplacement développent de nouvelles représentations sociales.

Et c’est une dimension avec laquelle joue indéniablement Mohamed Mbougar Sarr. À la fin du roman, le poète Fantini choisira pour le sien le titre Ragazzi ‒ « Le titre s’était naturellement imposé. Il savait qu’un roman de Pasolini portait le même nom, mais cela ne le dérangeait pas » (Sarr, 2022, p. 561) ‒ terme régulièrement employé au fil des pages dans Silence du Chœur. Au-delà de l’hommage à Pasolini, il apparaît surtout comme un moyen de ne pas dire « migrants », un peu à la manière de Marc Alexandre Oho Bambe qui préfère employer celui de fugees dans son roman Les Lumières d’Oujda (2020). Le terme « ragazzi » introduit aussi une forme de familiarité (« les gars »), celle de celui qui les fréquente, vit à leur côté, connaît leurs intentions et leurs parcours individuels. C’est certainement aussi l’un des effets les plus forts du partage du journal intime de Jogoy Sèn (dans les pages grisées, avec changement de police) qui émaillent l’ouvrage. Nous prenons la mesure de ce qu’il vit, ressent, de sa singularité d’individu contre l’anonymat dans lequel les images mass-médiatiques ont eu tendance à l’enfermer. Mais nous mesurons aussi sur la durée (le roman compte 568 pages) comment ses sentiments peuvent évoluer, se transformer, voire se contredire. Le roman épouse ainsi une temporalité qui est tout sauf celle des médias, de l’aveu même de Jogoy lorsqu’il évoque la manière dont son embarcation a fait naufrage, signant la mort de trente-sept personnes :

À la télé ou dans les journaux, on n’en parla pas très longtemps. Cela occupa un encart, un petit communiqué, l’espace d’un entrefilet. On l’indiqua sur un bandeau rouge qui défilait au bas de l’écran, avec de vagues informations et quelques chiffres. Deux jours plus tard, c’était oublié. La tragédie devenait ordinaire. Les drames autour de l’immigration jouaient à une macabre chaise musicale ; chacun, quotidiennement, chassait le précédent, occupait sa place, et attendait que le prochain l’en déloge. Cela usait, mais l’on s’accommodait de la catastrophe permanente, même si sa vérité restait intolérable. (Sarr, 2022, p. 177)

On perçoit bien dès lors les enjeux de l’arsenal poétique déployé par Mbougar Sarr pour prévenir ses lecteurs contre l’accoutumance à la « catastrophe ». Non seulement les ragazzi sont sortis des cadres habituels de leur catégorisation par ce terme-même, mais nous plongeons surtout, au fil des chapitres, dans l’intimité de l’un d’entre eux, Jogoy Sèn, le roman jouant sur un double niveau d’énonciation, entre pages grisées et pages blanches. Au niveau structurel, cela va même plus loin, puisque la longueur de l’œuvre et ses nombreuses digressions ont aussi un sens très prégnant, pourvu qu’elles soient mises en lien avec la situation d’attente des personnages.

3.2. Vivre l’attente, éprouver la tension dramatique

Au-delà du partage d’une intériorité via l’usage du journal intime, il s’agit en effet de faire éprouver – dans sa chair pourrait-on dire – au lecteur, l’attente endurée par les ragazzi, tout entiers tournés vers les commissions d’évaluation de leurs histoires personnelles, celles qui pourront distinguer, comme le dit le texte avec beaucoup d’ironie les « bons migrants », ceux qu’une « mort certaine menaçait » (Sarr, 2022, p. 183), car « Migrant est un diplôme qui se mérite, avec différentes mentions dont la plus prestigieuse est : ‘a failli mourir pour de vrai !’ » (Sarr, 2022, p. 184). Ces commissions sont cependant sans cesse retardées, repoussées, alimentées, notamment, par les manigances politiques de Maurizio Mangialepre qui, faisant pression sur le maire dont il connaît l’ambition, cherche à les annuler. Tout ceci vient mettre un coup d’arrêt à l’énergie vitale des ragazzi, leurs désirs, leurs aspirations, leur besoin de travailler, voire leur espoir, les enlisant dans une léthargie dont seuls les distraient parfois les matchs de football et les sorties au bar de la ville, activités évoquées mais rarement narrées sous forme de scènes, comme pour mieux transcrire l’impasse de l’action. Par cette construction toute en effet de suspension et de retardements, le roman renverse – dans un commentaire métatextuel – la sempiternelle question du « Pourquoi es-tu parti de chez toi ? » (Sarr, 2022, p. 182) en « pourquoi es-tu là », qui consiste à voir « le migrant […] comme un homme qui est là, qui est arrivé, qui a un présent et veut construire un futur » (Sarr, 2022, p. 185). Non seulement Sarr donne beaucoup la parole aux ragazzi ‒ « Mon objectif c’est d’aller en Angleterre ou aux États-Unis pour faire du business avec les voitures d’occasion. C’est dans ça que je veux tracer ma route. Je veux du travail. Je suis un homme fort », dit par exemple Bemba (Sarr, 2022, p. 191), mais il multiplie les digressions, pour mieux nous faire vivre et éprouver cette attente et les frustrations qu’elle engendre. Il crée, parallèlement, une véritable tension dramatique, car l’on attend, dès le début, un événement sans cesse différé. Il y a, entre autres exemples du soin particulier apporté au maintien de l’intérêt narratif, des effets d’annonce : « Tu tiens plus que tu ne le penses à la vie. Tu le sauras avant la fin » (Sarr, 2022, p. 521), ou encore des commentaires métatextuels comme celui formulé par Salvatore Pessato au chapitre 15 : « Ça fait presque six mois qu’ils sont là. Ils commencent à s’impatienter. […] C’est ça, le tragique : non ce qui se passe, mais ce qu’on sent qu’il va se passer » (Sarr, 2022, p. 153). Mais si l’inattendu peut donc être entendu comme « diégétique », pour reprendre, par exemple, la terminologie de Vincent Jouve dans Pouvoirs de la fiction. Pourquoi aime-t-on les histoires? jouant pleinement le jeu de la dynamique lectorale en usant du « suspense » (l’effet incertain d’une situation connue) et de la « curiosité » (conséquence d’une information parcellaire), il est aussi « énonciatif », jouant « avec les scénarios intertextuels, en ne respectant pas l’horizon d’attente » et de « configurations formelles inédites » (Jouve, 2019, p. 35). Il en va ainsi du basculement soudain du roman dans la pièce de théâtre (nous y reviendrons) ou dans le roman policier à énigme avec les crimes qui ont eu lieu dans le bar du village, la Tavola di Luca, dont il faut élucider l’origine. À l’attente des commissions se substitue celle de l’affrontement final qui paraît inéluctable entre une partie de la population radicalisée, aveuglée par la haine des ragazzi, et la volonté de ceux-ci d’en découdre après la tragédie macabre du bar. À ces éléments s’ajoutent des digressions (sur le passé du Père Bonianno, sur l’exposition de Vera et Vincenzo Riviera…) qui ont aussi pour effet précis de retarder l’action, d’empêcher que quelque chose ne se passe, ce qui est la situation qui s’abat sur les ragazzi, maintenus dans une incapacité insupportable d’agir. Par cette forme-sens de la digression, Mbougar Sarr renoue ainsi avec cette célèbre formule de Soljenitsyne :

Les artistes peuvent accomplir ce miracle. Ils peuvent surmonter cette faiblesse caractéristique de l’homme qui n’apprend que de sa propre expérience tandis que l’expérience des autres ne le touche pas. L’art transmet d’un homme à l’autre, pendant leur bref séjour sur la Terre, tout le poids d’une très longue et inhabituelle expérience, avec ses fardeaux, ses couleurs, la sève de sa vie : il la recrée dans notre chair et nous permet d’en prendre possession, comme si elle était nôtre. (Soljenitsyne, 1972, p. 69)

Cette « longue et inhabituelle expérience » c’est celle de l’attente endurée, loin de la banalisation de cette expérience, et ce sont en partie les digressions dans le roman qui la permettent.

Mais ces digressions sont aussi bien sûr riches de sens. Celle sur la vie du Padre Bonianno au chapitre 13, qui court sur une douzaine de pages (pp. 122-134) permet d’explorer des vérités profondes. Non seulement le récit de son séjour de huit années au Sénégal est résolument tourné vers « un geste radical, de comprendre la culture sérère et de supporter, par conséquent, que Roog Sèn, le grand dieu animiste de ce peuple, y fût mieux traité que le Christ, inconnu dans leur panthéon » (Sarr, 2022, p. 126), autrement dit vers la nécessité de ne pas camper sur ses positions, de laisser la pensée de l’autre advenir pour questionner et transformer, tout en rompant avec toute posture colonialiste ; mais il est aussi l’occasion de l’importance primordiale de « faire corps avec le lieu », comme mentionné précédemment :

Soudain, l’austère curé, toujours plongé dans le texte biblique, commença à sentir et ne plus seulement comprendre les liens entre les différents êtres, la solidarité entre l’humain et le sacré, la signification du monde comme ngel – espace symbolique où dialoguent les hommes entre eux et avec ceux qui les y avaient précédés, espace où ce qui est dit compte, où la parole porte la densité sacrée d’un geste créateur. (Sarr, 2022, p. 127)

3.3. La structure polyphonique : un roman choral

Le Padre Bonianno est aussi celui qui refuse de parler à la place des ragazzi, mais se met en situation d’écoute lors des « répétitions des commissions » pour lesquelles il les entraîne afin qu’ils puissent avoir une chance de régulariser leur situation. « À travers ces répétitions, le Padre Bonianno n’écoutait pas seulement des récits, des aventures, des histoires ; il écoutait aussi des hommes, des voix humaines […] » (Sarr, 2022, pp. 255-256). De longues énumérations de groupes nominaux suivent : « Il écoutait le récit des causes du départ, le récit des frustrations en terre natale, le récit de l’avenir sacrifié […] le récit du voyage, le récit de la peur, le récit des violences subies […] » (Sarr, 2022, pp. 256-258). On voit ici combien l’auteur, par l’anaphore du terme « récit » et le biais du discours narrativisé, opère à la manière de son personnage et « tend l’oreille » tout en refusant de parler « à la place de », évitant une écriture du témoignage, comme pour nous faire mesurer l’effroyable indicible de ces situations et la pudeur qu’elles requièrent à l’égard de ceux qui les ont subies. Cela apparaît comme une manière d’écouter, humblement, de recueillir, et par ce seul geste, plein et entier, de restaurer l’autre dans son humanité car

[l]à se trouvait l’absurdité : dans le fait qu’après avoir traversé l’enfer, ces hommes se retrouvent le cul sur une foutue chaise en métal aussi mortelle que sa cousine électrique, devant une commission dont les membres, chargés de décider de leur destin, n’auraient jamais la plus petite idée de ce qu’ils avaient réellement vécu. (Sarr, 2022, pp. 259-260)

En effet, comme le rappelle Ricœur dans La mémoire, l’histoire, l’oubli, la relation profonde et difficile qui se joue, via l’écoute, entre le témoin et le témoignaire, contribue à refonder l’humanité, détruite par cette absence de médiation :

Ce que la confiance dans la parole d’autrui renforce, ce n’est pas seulement l’interdépendance, mais la similitude en humanité des membres de la communauté. L’échange des confiances spécifie le lien entre des êtres semblables […]. Il est des témoins qui ne rencontrent jamais l’audience capable de les écouter et de les entendre (Ricœur, 2003, pp. 207-208).

L’écoute, le geste d’écouter, sans « parler à la place de », mis en place par le roman, permet en effet de restaurer une « confiance » et par-delà une « similitude en humanité ». Une fois encore, la migration apparaît dans sa dimension humaine existentielle, mais non comme un « donné » : elle est à construire, et notamment par les modalités du récit.

C’est ainsi sans doute dans cette position d’écoute véritable que l’on cherche à placer le lecteur pour qu’il écoute tour à tour les récits de tous les protagonistes, que leurs paroles soient retranscrites au discours direct, ou bien qu’ils prennent en charge la totalité de la narration d’un chapitre.[2] Mais l’idée est ici sans doute aussi d’empêcher le lecteur de relâcher sa vigilance, de la laisser s’assoupir à l’ombre de quelque idéologie. Comme le dit très bien Khalid Lyamlahy « les prises de parole successives invitent le lecteur à reconsidérer sans cesse sa lecture, comme si la migration imposait un déplacement au cœur même du texte » (Lyamlahy, 2018). Prenons par exemple le discours du chef de file de la foule conservatrice, Maurizio Mangialepre :

Notre terre porte avec elle des héritages nombreux, les traces des cultures qui l’ont façonnée sont encore vives sur son visage solaire. Oui, la Sicile est une terre de passages. Mais on ne l’a jamais volée à ses fils. Avant, les peuples qui arrivaient partageaient avec nous leur génie ; nous en profitions ensemble ; nous leur offrions notre terre, ils nous donnaient leur science, leur travail. Nous nous fécondions. Mais que reste-t-il de cette entraide ? Que nous apportent ces gens aujourd’hui ? Ils arrivent la main vide, la tendent, et attendent de nous qu’on les sorte d’une misère que nous vivons nous-mêmes. (Sarr, 2022, pp. 91-92)

Sous couvert d’une certaine ouverture d’esprit et d’une apparente volonté de partage, les amalgames fusent (la tentation du vol, de l’opportunisme profiteur, du misérabilisme absolu) confondant les ragazzi dans le pluriel d’un « ils » sclérosant d’une part, et noyant les habitants d’Altino dans un « nous » unifiant leur condition peu enviable et la rendant démesurément semblable à celle de ceux qui ont tout perdu : « une misère que nous vivons nous-mêmes », de l’autre. La rhétorique est ici la même que celle de Salomon, citée plus haut (Sarr, 2022, p. 237),[3] qui opérait par affrontement des pronoms et glissement fallacieux d’arguments, dans la mesure où la parole se présentait comme un flot discursif (avant l’intervention de Jogoy) et où il n’y avait donc pas de dialogue. Ainsi, le roman, par ces échos, opère comme un dialogue à distance entre les adversaires. La polyphonie permet des jeux de résonances et de mises à distance comme ici, bien au-delà des polarisations systématiques des discours. En effet, ce que le texte fustige d’un point de vue thématique, en exposant la mécanique de « défiance », l’engrenage progressif de la violence et la polarisation exacerbée des positions, il parvient à le contrecarrer par la recherche d’une structure dynamique entrainant une posture critique, au sens le plus noble du terme :

Rejeter un homme est la chose la plus simple qui soit pour un esprit humain. Il ne suffit que d’éteindre ce dernier, de le disposer tout entier au relâchement intellectuel. L’inverse, qui consiste à tenter de comprendre, coûte toujours trop d’efforts. C’est en ce sens que la paresse, la paresse au sens fort, la paresse intellectuelle donc, est la mère de tous les péchés capitaux. La source de la haine se trouve moins dans le cœur que dans l’esprit qui abandonne sa première prérogative, penser ; ce qui n’empêche nullement, bien entendu, qu’il y ait de pures haines fondées sur de grandes machines d’intelligence. (Sarr, 2022, p. 375)

En effet, grâce à la polyphonie romanesque, les échos entre les discours les font dialoguer, d’une part, même à distance, et permettent surtout de mettre en crise les discours qui apparaissent comme fortement polarisés et excluants en mettant au jour une certaine rhétorique commune et une symétrie des arguments. Par ces jeux d’échos tissés par le texte et ces effets de lecture programmés, le roman entend lutter contre l’exclusion, entendue comme « chose la plus simple qui soit pour un esprit humain », entraînant la vigilance et les « efforts » de « pensé[e] » du lecteur, loin de toute « paresse » intellectuelle.

3.4. La mise en abyme : abolir les frontières entre l’art et la vie

Le roman propose aussi explicitement une réflexion sur les potentialités de l’art face à un tel sujet. Au chapitre 16, les conceptions esthétiques du couple d’artistes Vera et Vincenzo Riviera sont présentées comme repoussoirs. Arrivés à Altino, dix ans auparavant, en même temps que les premiers ragazzi, ils sont incapables de s’intéresser à leur sort : « le phénomène leur parut mineur, sans aucun potentiel esthétique », s’apparentant à « une réalité vulgaire, trop sociale et restrictive, impropre à générer de la création » (Sarr, 2022, p. 157). Le jugement sur ce que devrait être l’art est ici formulé de manière absolument catégorique, ce qui leur vaut les foudres ironiques du narrateur : « [ils] préférèrent chercher l’inspiration ailleurs : dans la sexualité. Sujet, il est vrai, très nouveau en art » (Sarr, 2022, p. 157). Ils ne sont pas pourtant complètement indifférents à la situation, louant leur appartement à Jogoy Sèn, ce dernier incarnant, ironiquement là encore, selon le narrateur « leur bonne conscience, le blanc-seing qui leur était tendu et sur lequel ils validaient leur diplôme de charité pour l’Autre, celui qui souffre, le Tiers-monde », dans un élargissement aussi hyperbolique que ridicule (Sarr, 2022, p. 160). C’est que leur opinion radicale sur l’acte créateur est précisément l’envers de ce que présente le roman qui évite rigoureusement tout jugement définitif sur les situations, les personnages et la nature-même de l’art. A contrario, Giuseppe Fantini, « le plus grand poète vivant d’Italie » (Sarr, 2022, p. 36), a, lui, arrêté d’écrire depuis quinze ans, en proie au doute face à son activité et même à son engagement, confronté à la masse des écrivains qui l’entoure : « chacun croyait pouvoir faire de la littérature. Moi, moi qui y avais consacré ma vie sans jamais avoir été sûr d’en avoir fait une seule fois, pas même dans un seul vers, je ne pouvais plus continuer à écrire » (Sarr, 2022, p. 284). Sa décision de se remettre à écrire sur les situations vécues par les ragazzi met-elle en jeu son « honneur de poète » ou son incapacité à « supporter [plus longtemps] le silence poétique » ? « Je ne sais pas, Amedeo. Je ne sais pas », répond-il à son ami le curé à la fin de leur dialogue à ce sujet. La mise en question permanente du savoir, de ce que l’on croit savoir, (« je ne sais pas »), voilà peut-être au fond ce que peut l’art et ce que nous donne à lire Silence du chœur.

3.5. Franchissement des frontières génériques et performativité : le monde du Toi

Dès lors, l’écriture même peut entreprendre de se chercher, de se frayer un chemin afin de trouver une voix/voie permettant de franchir allègrement les frontières génériques, mettant en doute et à l’épreuve la possibilité même de dire. Le roman renoue avec le mythe, comme on l’a vu, et prend des accents épiques mais il se fait aussi et peut-être avant tout pièce de théâtre, découpé en scènes lors du chapitre 32 qui dit la relation, au sens le plus noble du terme, de Lucia, cette jeune bénévole muette, et Fousseyni, le jeune Malien rescapé. Découpé en 5 scènes, présentant une alternance entre les discours des personnages et des didascalies, ce chapitre érige, par sa performativité et l’éloquence muette des corps qu’il met en scène, le possible d’un monde plus humain, fondé sur notre profonde interdépendance et la reconnaissance de nos vulnérabilités réciproques :

Je ne voudrais pas te consoler en te disant que tu n’as rien à voir avec sa mort. Toi seul sais. Tu dois faire face à ce souvenir. Mais tu n’es pas seul. Tu n’es pas obligé de porter ça seul. J’aimerais retrouver ma voix pour te le dire.

Les deux s’étreignent toujours. La lumière baisse lentement, jusqu’à l’obscurité. Rideau (Sarr, 2022, p. 319).

On ne peut s’empêcher de penser ici à la dernière page de Peau noire, masques blancs de Fanon :

C’est par un effort de reprise sur soi et de dépouillement, c’est par une tension permanente de leur liberté que les hommes peuvent créer les conditions d’existence idéales d’un monde humain.
Supériorité ? Infériorité ?
Pourquoi tout simplement ne pas essayer de toucher l’autre, de sentir l’autre, de me révéler l’autre ?
Ma liberté ne m’est-elle donc pas donnée pour édifier le monde du Toi ?
À la fin de cet ouvrage, nous aimerions que l’on sente comme nous la dimension ouverte de toute conscience.

Mon ultime prière :
Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! (Fanon, 1952, 188).

Pour conclure, il est intéressant que cette ultime sagesse soit professée par le biais du théâtre, genre vers lequel tend tout le roman, par sa proximité avec le mythe, son jeu avec la tragédie et ses références au chœur antique. Le théâtre est, comme le mythe, un miroir de la condition humaine, mais il est aussi mise en jeu des corps. Faire corps social, faire corps avec le lieu, le monde, voilà l’ambition que se propose Silence du chœur, sans jamais pour autant donner de leçons définitives, mais en faisant advenir la complexité des êtres et des situations, reculant sans cesse les frontières symboliques qu’érigent entre eux les hommes par peur de se remettre en question.

Références bibliographiques
  • Agier M. (2013). La Condition cosmopolite. L’anthropologie à l’épreuve du piège identitaire. La Découverte.
  • Charaudeau P. (2008). Pathos et discours politique. In Michael Rinn (dir.), Émotions et discours. L’usage des passions dans la langue (pp. 49–58). Presses universitaires de Rennes. https://books.openedition.org/pur/30418?lang=es
  • Calabrese L. et Mistaen V. (2018). La nomination des migrants dans Le Monde et Le Figaro. Analyse d’une catégorisation polémique, REFSICOM, Médias et migrations/immigrations (5), http://www.refsicom.org/415
  • Fanon F. (1952). Peau noire, masques blancs. Seuil.
  • Fiala P. (2018). La famille migr-, champ lexical et affrontements discursifs. In L. Calabrese et M. Veinard, Penser les mots, dire la migration, (pp. 145–152). L’Harmattan.
  • Jouve V. (2019). Pouvoirs de la fiction. Pourquoi aime-t-on les histoires ? Armand Colin.
  • Oho Bambe, M. A. (2020). Les Lumières d’Oujda. Calmann-Levy.
  • Ricœur P. (2003 [2000]). La mémoire, l’histoire, l’oubli. Seuil.
  • Soljenitsyne, A. (4-11 septembre 1972). Le cri. [Le discours du prix Nobel]. L’Express, 1104, 66–73.
  • Sarr, M. M. (2022 [2017]). Silence du chœur. Présence africaine.


Notes

[1] Elle fait notamment référence à Joseba Achotegui, The Ulysses Syndrome : The immigrant Syndrome with Chronic and Multiple Stress, Ediciones El Mundo de la Mente, 2014 (Titre original : Emigrar en el siglo XXI : estrés y duelo migratorio en el mundo de hoy – Síndrome de Ulises, Ediciones El Mundo de la Mente, 2009).

[2] Voir notamment sur ce point les chapitres 10, 11, 15, 21 et 31.

[3] Voir la citation analysée en page 4 de cet article.


Virginie Brinker est MCF en Littératures Francophones à l’Université de Bourgogne. Membre du laboratoire CPTC, ses recherches portent essentiellement sur les productions littéraires d’auteurs subsahariens francophones contemporains et les écritures de la migration. Elle a notamment publié sur cette question « La figure littéraire du réfugié dans le recueil Bienvenue! : style iconique et médiatisation » in H. Allouch et alii (dir.), Vies et fictions d’exils, Presses Universitaires de Laval, 2020 ; « Partir, rester, revenir ? Fictions et migrations dans quelques œuvres cinématographiques et littéraires africaines contemporaines », in P. Baudry (dir.), Migrations et mobilités, Pessac, MSHA, 2018, ou encore « Représenter les exilés ou comment la littérature se joue et déjoue les frontières », Africultures n°106, Objets d’inhumanité : Frontières, traversées, migrations, 2018. Co-organisatrice de l’événement « Accompagner la migration : des représentations à l’action » (Université de Bourgogne, décembre 2022), elle est aussi membre du Quartier des Autrices et des Auteurs, comité de lecture des écritures dramatiques contemporaines francophones.

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