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Les mutations « monstrueuses » du genre. La formation de soi dans l’œuvre d’Édouard Louis

Maxim Delodder / Université d’Anvers & FWO (Research Foundation - Flanders) / Belgique
https://orcid.org/0000-0003-3551-0361

L’analyse s’intéresse aux textes d’Édouard Louis à travers le prisme de deux approches de « genre ». D’abord, on introduit le roman d’apprentissage, ou le Bildungsroman, qui raconte l’histoire d’un héros en quête de sa place dans le monde. Ensuite, la problématique du genre littéraire se joint à celle du genre dans le sens de gender. Partant de la théorie de la performativité de Judith Butler, nous envisageons le parcours d’un personnage de fiction comme une recherche de la performance de genre non-problématique. Édouard échappe à la masculinité ouvrière et bourgeoise, en passant par un stade d’homonormativité. Nous suggérons que la performance la plus efficace est celle qui va à l’encontre de la normativité hétérosexuelle, autrement dit, celle du « monstre ».
Mots-clés : Bildungsroman ; genre ; transpédégouine ; queer ; Édouard Louis ; homonormativé ; masculinité

1. Introduction

Tout le monde sait ce qu’est un Bildungsroman, ou « roman d’apprentissage ». Pour rappel, François Jost le définit comme l’histoire dans laquelle « le héros […] combat pour un but qu’il entrevoit ou qu’il s’est lui-même donné et, ce faisant, se forme » (Jost, 1969, p. 101). Nous voulons rapprocher ce genre littéraire de la problématique du « genre », dans un autre sens du terme, plus socioculturel. Nous voulons parler plus spécifiquement de la théorie de la « performativité du genre », telle que la propose Judith Butler dans, entre autres, Trouble dans le genre (1990) :[1]

Dire que le corps genré est performatif veut dire qu’il n’a pas de statut ontologique indépendamment des différents actes qui constituent sa réalité. [...] En d’autres termes, les actes, les gestes, les désirs exprimés et réalisés créent l’illusion d’un noyau interne et organisateur du genre, une illusion maintenue par le discours afin de réguler la sexualité dans le cadre obligatoire de l’hétérosexualité reproductive. (Butler, 2017, p. 259)

Le « genre » tel que le conçoit Butler est une performance dans le sens où il n’existe que par sa répétition. Dans un cadre culturel donné, chacun est censé répéter les mêmes actes ou gestes codés selon une logique binaire. Or, les modèles que l’on suit et qui sont liés au sexe assigné à la naissance n’ont pas, pour Butler, d’ancrage dans les faits biologiques. Ils n’existent que par l’acte performatif et sa répétition. Ainsi, d’après Sam Bourcier, Butler « décale la proposition beauvoirienne : si on ne naît pas femme mais qu’on le devient, ce ne sera pas obligatoirement à partir d’un sexe féminin » (Bourcier, 2014, p. 66). À cela s’ajoute que ces modèles ne sont pas innocents. Ils sont constitutifs de l’ordre hétérosexuel, où les femmes occupent une moindre place que les hommes et où tout ce qui n’entre pas dans l’ordre hétérosexuel est déprécié. Dans cet article, nous désignons ce groupe de sexualités et d’identités de genre en dehors de l’ordre hétérosexuel ou résistant à lui par le mot anglais queer. Des activistes féministes ont proposé des traductions françaises, entre autres les termes « transpédégouine » et « torduEs » (Lorenzi, 2017 ; Gomolka, 2019)Nous retenons la première traduction. Elle attire l’attention sur de différentes formes d’exclusion par les normes de genre. De plus, « transpédégouine » traduit l’injure qui est à la base de queer. L’interpellation forte de ce terme en anglais devient, de cette manière, audible pour une oreille francophone (Lorenzi, 2017).

L’idée à retenir est, pour l’instant, que la performance au sens butlérien peut être considérée comme une forme de Bildung au sens du roman d’apprentissage. Une construction de soi est toujours peu ou prou une « performance » de genre. Les personnages se forment, ou mieux dit, ils se construisent un genre. Il s’ensuit que, s’il fallait trouver une forme littéraire adaptée au récit de construction de soi comme « performance », et en jouant alors sur le double sens du mot « genre » dans le contexte qui nous intéresse, on aurait à choisir le Bildungsroman. Aussi curieux que cela puisse paraître, Butler et, par exemple, Stendhal font bon ménage. Pensons au Rouge et le Noir. Une lecture « performative » au sens butlérien du roman stendhalien est possible. La formation de Julien se résume comme une recherche de son « genre », son « identité », si nous pouvons dire, tout au long de son parcours. Il accumule de ce point de vue les échecs. Toutefois, il aboutit à une « performance » brillante, quoique tragique, à la fin du roman.

Un parcours similaire peut être repéré dans la production romanesque d’Édouard Louis. Celui-ci est une des nouvelles voix LGBTQ+ dans le champ littéraire français. Depuis son début littéraire, En finir avec Eddy Bellegueule (2014),[2] l’étoile de Louis dans le champ contemporain n’a cessé de monter. Il s’est servi de sa notoriété afin de soutenir une position progressiste dans bon nombre de débats sociétaux actuels. Il a, par exemple, donné son appui au mouvement antiraciste à la suite de la mort d’Adama Traoré (Arvers, 2019). L’engagement politique de Louis est également visible dans sa production littéraire. L’auteur transforme son vécu en littérature pour mieux comprendre, en slalomant entre autofiction et étude sociologique, certains enjeux pour lui déterminants. En finir avec Eddy Bellegueule montre l’homophobie qui existe dans les classes populaires et qui est liée à une forme de marginalisation à la fois sociale et idéologique. Histoire de la violence (2016) retrace l’histoire d’un viol et d’une tentative de meurtre mêlée aux problématiques de la colonisation, du racisme et de l’homophobie. Bruno Blanckeman (2017a, p. 155) considère qu’En finir avec Eddy Bellegueule et Histoire de la violence peuvent être lus comme un seul roman. Nous partageons ce point de vue. Le deuxième roman consiste en le deuxième volet de l’histoire d’Édouard. Le lecteur retrouve le même protagoniste, qui, quoique plus âgé, est confronté à de nouveaux contretemps. Dans cet article, nous considérons les deux romans comme une histoire de formation. Dans Qui a tué mon père (2018), il s’agit de la possible coexistence d’une lutte antiraciste et de la condamnation des politiques néolibérales. Combats et métamorphoses d’une femme (2021), enfin, raconte l’histoire de la mère d’Édouard Louis et des dominations qu’elle a subies. En somme, Louis fait partie d’un nouveau courant littéraire, pour lequel « la littérature est aujourd’hui le moyen d’action par défaut lorsque toutes les autres remédiations politiques ou sociales sont devenues indisponibles » (Gefen, 2021, p. 224-225). Par le biais de la littérature, autrement dit, Louis cherche à critiquer des réalités françaises contemporaines, voire à offrir des voies vers un monde meilleur.

Quand on essaie de décrire la Bildung qu’invente Louis dans ses deux premiers romans, nous avons à notre disposition, tout d’abord, le personnage principal : Édouard, un jeune homme qui cherche à se faire une place dans la vie.[3] On peut parler provisoirement d’une « formation » inachevée. Le petit Édouard se découvre d’abord « autre » et en dehors du champ social auquel il est pourtant censé appartenir. Il cherche alors, de manière maladroite, à mieux s’intégrer au cadre existant. Or, cela donne lieu à une série d’échecs qui sont à la fois des insuccès dans l’exercice de la construction de soi et des « performances » ratées. Il ne réussira à s’assumer et à s’inscrire dans une collectivité que par le rejet de la normativité, quelle qu’elle soit. Dans ce sens, l’issue de la formation est queer. Édouard se sentira enfin compris, à côté d’un personnage qui symbolise le hors norme.

2. La normativité ouvrière

Au début de notre histoire d’apprentissage, et comme le veulent les conventions du genre littéraire, le petit Édouard se trouve dans une situation peu enviable. Il vient au monde à la campagne picarde dans une famille défavorisée. Cet univers est le terrain de jeu de ce que l’on peut appeler la masculinité, ici comprise comme un code de comportement. Dans Qui a tué mon père, la masculinité est présentée comme une construction empêchant l’ascension sociale : « [elle] t’a condamné à la pauvreté, à l’absence d’argent » (Louis, 2018, p. 34) » ; et limitant la liberté d’action : « ne pas se comporter comme une fille, ne pas être un pédé »[4] (Louis, 2018, p. 34). Les hommes « virils » vivant dans ce microcosme fondent leur pouvoir sur l’exclusion des « déviants », à savoir ceux qui ne répondent pas aux normes machistes réglant le champ. Édouard en est la victime. Il se comporte « comme une fille ». Cette déviation lui vaut d’être régulièrement injurié. Les insultes adressées au protagoniste sont fréquentes dans les romans. En finir avec Eddy Bellegueule ouvre par exemple sur une série de grossièretés : « C’est toi le pédé ? » (Louis, 2015, p. 15). Le personnage principal se retrouve isolé et sans moyens. On le lui dit en termes précis et violents.

Édouard sait qu’il ne répond pas aux exigences du genre masculin, au moins tel que le définit le principe de la masculinité. D’où lui vient l’idée qu’il est peut-être une femme dans un corps d’homme. Voici la première tentative de construction de soi, la première performance de genre du personnage :

À cette période, l’idée d’être en réalité une fille dans un corps de garçon, comme on me l’avait toujours dit, me semblait de plus en plus réelle. […] J’entendais partout et depuis toujours que les filles aimaient les garçons. Si je les aimais, je ne pouvais qu’être une fille. Je rêvais de voir mon corps changer, de constater un jour, par surprise, la disparition de mon sexe. Je l’imaginais se faner dans la nuit pour laisser place à un sexe de fille au matin. Plus une étoile filante sans que je ne fasse le vœu de ne plus être un garçon. (Louis, 2015, p. 144)

Pour intégrer, malgré tout, l’ordre hétérosexuel, Édouard essaie de se viriliser. L’idée d’être une fille est vite évoquée et aussi vite abandonnée. Édouard veut prouver qu’il n’est pas efféminé et qu’il peut lui aussi être ou se faire passer pour un homme « dur » : « J’espérais changer » (Louis, 2015, p. 77). La transformation de garçon « manqué » en macho passe par une nouvelle « performance » de genre. Il joue la virilité et, à cette fin, il traite ouvertement d’autres garçons de « pédés » afin de « mettre à distance les soupçons » (Louis, 2015, p. 182). Ensuite, il imite les comportements masculins tels qu’il les observe dans son environnement et essaie de se les assimiler :

Je devais ne plus me comporter comme je le faisais et l’avais toujours fait jusque-là. Surveiller mes gestes quand je parlais, apprendre à rendre ma voix plus grave, me consacrer à des activités exclusivement masculines. Jouer au football plus souvent, ne plus regarder les mêmes programmes à la télévision, ne plus écouter les mêmes disques. Tous les matins en me préparant dans la salle de bains je me répétais cette phrase sans discontinuer tant de fois qu’elle finissait par perdre son sens, n’être plus qu’une succession de syllabes, de sons. Je m’arrêtais et je reprenais Aujourd’hui je serai un dur. (Louis, 2015, p. 154)

Toutefois, malgré la persévérance du protagoniste, la tentative de virilisation échoue. Son corps, qui est aussi le lieu de sa sexualité, proteste : « Mais mon corps ne m’obéissait pas et les injures reprenaient » (2015, p. 77). Quand il essaie de faire l’amour à une femme, l’entreprise est également un échec. Le corps de la femme ne l’excite pas. Ceci ne signifie pas pour autant qu’Édouard cesse ses tentatives de virilisation. Autrement dit, il persiste malgré l’échec dans les mauvaises « performances », dans la Bildung ratée. C’est ainsi qu’il décrit ce qu’il faut faire pour devenir un « homme » :

Mon échec avec Sabrina me poussait à accentuer mes efforts. Je prenais garde à rendre ma voix plus grave, toujours plus grave. Je m’empêchais d’agiter les mains lorsque je parlais, les glissant dans mes poches pour les immobiliser. Après cette nuit qui m’avait révélé plus que jamais l’impossibilité pour moi de m’émouvoir pour un corps féminin, je me suis intéressé plus sérieusement au football que je ne l’avais fait auparavant. (Louis, 2015, p. 182)

On assiste donc à une première étape dans la vie d’Édouard, on l’appellera l’impossibilité de se viriliser. Malgré ses tentatives répétées, le personnage continue à dévier par rapport à la norme machiste. Un autre échec donnera à Édouard l’opportunité de « fuir » la campagne et son univers attardé. On arrive ainsi à une nouvelle étape dans l’existence d’Édouard, la deuxième dans notre chronologie. Dans son environnement campagnard, la scolarisation est mal vue. Dès que possible, les élèves prennent la clé des champs. Un cousin d’Édouard a choisi de sortir de l’école en se défénestrant devant le regard étonné de ses camarades. Son acte spectaculaire et dangereux (l’élève se jette par la fenêtre alors qu’un cours a lieu) est devenu pour les autres « machos » un modèle de virilité à suivre :

Personne n’avait oublié, avec les années cette scène était devenue un mythe constitutif de la masculinité, de référent par rapport auquel les garçons devaient s’inventer, auquel ils rêvaient, un fantasme qu’ils devaient atteindre ou au moins vers lequel ils devaient tendre en toute circonstance. (Louis, 2016, p. 97)

Prendre ses distances avec l’enseignement scolaire, de préférence de manière violente et visible, prouve le statut d’« homme ». Comme on pouvait s’y attendre, Édouard n’arrive pas à imiter un tel exemple. Le héros ne quitte pas l’école. Au contraire, il intègre un lycée amiénois, qualifié de bourgeois. C’est le début d’une deuxième étape dans son existence. Il fera son éducation. Le protagoniste se distancie ainsi de son environnement natal et commence un parcours qui le conduira, comme on va voir, du lycée d’Amiens à des études supérieures entreprises à Paris.

3. La normativité bourgeoise

La deuxième phase dans la vie d’Édouard pourrait s’intituler « Le Lycée de province ». Le protagoniste se trouve dans un nouveau monde, non seulement la ville d’Amiens, mais aussi le lycée, symbole dans l’œuvre de Louis de l’École républicaine et bourgeoise. Il se voit déjà libéré du modèle machiste, il pourra peut-être échapper à l’ordre hétérosexuel par les études, par le fait d’entrer dans un autre monde. Un autre discours se tient, en effet, à l’école, où les enseignants « nous expliquaient qu’il fallait accepter la différence, les discours de l’école républicaine, que nous étions égaux. Il ne fallait pas juger un individu en raison de sa couleur de peau, de sa religion ou de son orientation sexuelle » (Louis, 2015, p. 79).

Édouard se sent, d’abord, à l’aise dans cet univers plus « civilisé », républicain et bourgeois. Il croit qu’enfin il coïncide avec son « genre » : « Je ne suis peut-être pas pédé, pas comme je l’ai pensé, // peut-être ai-je depuis toujours un corps de bourgeois prisonnier du monde de mon enfance » (Louis, 2015, p. 202). Il se considère, à ce moment-là, comme un bourgeois né dans le corps d’un ouvrier. Toutefois, l’exercice exige de lui une maîtrise d’autres codes qu’il ne parvient pas à s’approprier. Dans cette histoire de formation telle que l’envisage Louis, nous constatons l’importance du code vestimentaire :

Je porte ma veste achetée spécialement pour mon entrée au lycée

Rouge et jaune criard, de marque Airness. […]

Mais sitôt arrivé au lycée j’ai vu qu’elle ne correspondait pas aux gens ici, que personne ne s’habillait comme ça, les garçons portaient des manteaux de monsieur ou des vestes de laine, comme les hippies

Ma veste faisait sourire

Trois jours plus tard je la mets dans une poubelle publique, plein de honte. (Louis, 2015, p. 203)

Il s’agit donc de maîtriser, en s’habillant de la « bonne » façon, le code de la masculinité bourgeoise. Pour intégrer ce nouveau monde, une autre Bildung est demandée au protagoniste. Elle n’a plus rien à voir avec le machisme de son environnement campagnard, mais d’autant plus avec une différence de classe à surmonter. Il se construit entre masculinité et classe sociale un lien que nous pouvons rapprocher d’un mécanisme que rappelle Raewyn Connell :

Pour comprendre le genre, nous devons ainsi constamment aller au-delà du genre. La même leçon s’applique dans l’autre sens. Nous ne pouvons comprendre la classe, la race ou les inégalités mondiales sans constamment regarder du côté du genre. Les rapports de genre sont une composante majeure de la structure sociale dans son ensemble et la politique de genre compte parmi les principaux déterminants de notre destin collectif. (Connell, 2014, p. 72)

La classe sociale a, en d’autres mots, comme d’autres facteurs d’ailleurs, un impact sur le genre. Dans le roman, Édouard ne ressemble pas à ses compagnons de classe pour plusieurs raisons. Si nous regardons la différence de classe de plus près, il est clair que les élèves au lycée incorporent une autre forme de masculinité que celle de l’environnement campagnard. La veste « Airness » est une sorte de preuve qui se trouve en dehors de l’identité masculine bourgeoise. Une veste, toutefois, se remplace assez facilement. De ce point de vue, l’écart entre la position d’Édouard et celle de ses compagnons de lycée, si l’on en juge par les critères vestimentaires, n’est pas si grand. On pourrait en déduire, sans doute trop rapidement, que la Bildung s’approche de sa fin. Dans son article sur En finir avec Eddy Bellegueule, Geneviève Morel (2015, p. 82) soutient cette hypothèse. Selon la chercheuse, Édouard finit par s’assimiler au milieu bourgeois, et par ce biais il surmonte la différence sociale et sexuelle. Prenons un moment pour démontrer pourquoi nous soutenons une autre lecture du passage concernant le lycée.

Morel argumente que le nouvel environnement, qui est le sien, permet à Édouard de s’approprier d’autres valeurs. Ce n’est qu’à ce moment-là, souligne la chercheuse, qu’Édouard peut « échapper à la prise mortifiante des interpellations » (Morel, 2015, p. 82). En faisant référence aux dernières lignes d’En finir avec Eddy Bellegueule : « Quelqu’un arrive, // Tristan. // Il m’interpelle // Alors Eddy, toujours aussi pédé // Les autres rient. // Moi aussi » (Louis, 2015, p. 204), la chercheuse conclut :

La réappropriation des interpellations performatives sous un mode ludique a alors été possible, puisque, à la fin de son livre, Eddy rit avec ses nouveaux amis d’être interpellé comme « pédé ». Dans un acte de franchissement du mur de sa prison, de renonciation aux idéaux du moi paternels, il peut alors vivre la pulsion dans un corps neuf, intégrant un nouveau monde, étranger au précédent, et défini par le savoir, une autre langue et l’écriture. (Morel, 2015, p. 82)

Toujours selon Morel, l’intégration au milieu bourgeois signifie une libération de la performance virile vouée à l’échec. Devenir bourgeois signifie alors échapper à l’emprise de la masculinité de campagne, empêchant la liberté sexuelle et la mobilité sociale. Marion Dalibert indique que cette lecture est d’ailleurs répandue dans les médias français. Elle la résume de la manière suivante :

La bourgeoisie est ainsi figurée comme un lieu où l’homophobie est beaucoup moins forte qu’ailleurs, notamment parce que la masculinité des classes supérieures s’apparente à un espace où les hommes peuvent s’affranchir des codes de la virilité associés à la figure repoussoir de l’hétérosexualité populaire, tout en incarnant une position de pouvoir. (Dalibert, 2018)

En d’autres mots et toujours selon cette hypothèse, Édouard est bel et bien (devenu) un bourgeois né au mauvais endroit. Il s’agit d’une étape nécessaire pour se libérer du joug de l’homophobie et de la précarité. Édouard peut maintenant « performer » son genre avec facilité.

Nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec l’analyse que propose Morel de la scène de la cour de récréation, lue comme une réappropriation ludique que le personnage réussit sur lui-même. Il est vrai qu’il rit avec ses collègues de classe, mais sa situation ne change pas pour autant : il est injurié dans la cour de récréation. Les dernières lignes d’En finir avec Eddy Bellegueule font écho aux injures et aux intimidations signalées à la première page du roman. Certes, l’endroit a changé. La scène se déroule dans le cadre de ce que nous avons appelé un nouveau chapitre de la Bildung d’Édouard. Nous ne nous trouvons plus à la campagne, mais au « Lycée de province » amiénois. Toutefois, Édouard n’en est pas moins perçu comme déviant par rapport à la norme sexuelle. La classe dominante n’est pas homofriendly, en dépit du discours de l’École républicaine. Le rire du protagoniste est donc plutôt jaunâtre.

Il y a un autre élément qui, selon nous, indique que l’intégration d’Édouard dans un contexte bourgeois ne représente pas l’aboutissement de sa formation. Outre les injures incessantes qu’il a à subir, Édouard se sent obligé de continuer ses tentatives de virilisation. Cette fois-ci, elles sont entreprises dans le cadre de la masculinité bourgeoise, en d’autres mots, un autre modèle de genre à « performer », selon d’autres critères que ceux qui existaient dans son village natal. Nous avons déjà mentionné la veste Airness. Un autre exemple peut être rappelé. Édouard essaie de se rapprocher (amicalement) d’un camarade de classe, Charles-Henri. Toutefois, il n’y parvient pas :

Ils parlent de filles, de basket-ball

(Charles-Henri m’initiait)

Ils jouent au hockey, même

Je sens pourtant que Charles-Henri tend à m’échapper

Il s’amuse bien mieux avec les autres garçons,

ceux qui font du sport eux aussi, depuis toujours

qui font de la musique, comme lui

Qui parlent sûrement mieux des filles

C’est un combat pour garder son amitié (Louis, 2015, pp. 202-203)

Les tentatives d’intégration auxquelles se voue le lycéen sont aussi peu fructueuses que celles qui ont caractérisé sa vie à la campagne picarde. Au « Lycée de province », Édouard ne trouve pas de place légitime dans l’espace social. Puisqu’il est aussi isolé qu’au début, la Bildung reste inachevée. Notons ici encore que, comme dans le cas précédent, une issue de secours se présente. C’est le début de l’expérience parisienne. Le lycée lui ouvre la voie pour monter à Paris afin de commencer son éducation supérieure.

Il est clair, d’emblée, que son installation parisienne, la troisième étape dans la Bildung, ne sera pas plus facile que le reste. L’anecdote suivante, issue d’Histoire de la violence, nous informe sur la question :

Tu avais emménagé à Paris, c’était il y a quatre ans, et tu voulais bêtement ressembler à un bourgeois pour enfouir ce que tu voyais comme tes origines pauvres et provinciales – ce dont tu avais peur, c’est la peur qui te faisait voir –, mais ta vision de la bourgeoisie était une vision en retard de cent ans, justement à cause de la distance entre toi et ce monde, et tu avais acheté cette lavallière et un costume trois pièces que tu portais à toutes les occasions, souvent avec une cravate, même pour aller au supermarché ou à l’université. (Louis, 2016, p. 134-135)

On le voit, Édouard entreprend de nouveau, pour la troisième fois, une tentative d’intégration. De nouveau, le changement passe par une performance de masculinité. De nouveau, le personnage se fie au mauvais code. Débutant dans la capitale, il choisit un modèle suranné, stéréotypé. Il veut s’intégrer parfaitement à la classe bourgeoise parisienne, mais ses repères ne sont plus actuels. Sa vision toute faite sur la bourgeoisie et son manque d’aisance à « performer » celle-ci se traduisent par l’hypercorrection.

En somme, aussi bien au lycée qu’à Paris, la tentative de virilisation aboutit à un échec. Ces deux étapes de l’existence d’Édouard sont marquées encore une fois par une impossibilité de s’approprier les codes de la masculinité. Le genre « bourgeois » d’Amiens, au lycée, et de Paris, à l’université, ne lui correspondent pas. La Bildung demeure impossible. Alors que faire ? La nouvelle issue de secours sera celle de l’amitié. On en arrive alors à la quatrième étape de la formation d’Édouard. À Paris, il découvre des gens qui lui ressemblent et deviennent des amis. Puisqu’il veut « progresser » et « grandir », Édouard essaie d’être conforme à la normativité au sein d’un groupe de pairs. La performance connaît du succès : Édouard n’est plus isolé à ce moment-là. Or, ici encore, malgré une certaine amélioration de la situation, c’est la normativité qui pose problème.

4. L’homonormativité

À Paris, Édouard a trouvé une bande d’amis qui lui paraît particulièrement soudée, du fait que tous assument leur homosexualité. En outre, les cadeaux de Noël que reçoit Édouard témoignent du caractère fortement intellectuel de ce milieu : « deux livres de Claude Simon […] et un volume des Œuvres complètes de Nietzsche » (Louis, 2016, p. 43). Didier et Geoffroy, « [s]es deux amis les plus proches » (Louis, 2016, p. 22), font partie de ce groupe, comme Cyril (Louis, 2016, p. 40), et Henri : « Je suis arrivé chez Henri et nous nous sommes allongés sur son lit ; je me suis dit que je devais faire l’amour avec lui » (Louis, 2016, p. 182). Les amis appartenant à ce groupe partagent le désir entre hommes. Édouard se sent enfin chez lui, dans son « genre ». Toutefois, vivre selon son désir n’est pas aussi facile que cela n’en a l’air. Et c’est justement là que la quatrième étape de la Bildung d’Édouard s’avère être encore une fois un échec.

Après avoir rencontré Reda, un homme qu’il pense être du « genre » de ses nouveaux amis, Édouard l’invite chez lui. Ils ont discuté, ont fait l’amour, mais par la suite, les choses se détériorent. Reda vole le téléphone et l’iPad d’Édouard qui le confronte à la disparition de ses objets personnels. Il s’ensuit une discussion. Reda devient agressif et, sous la menace d’une arme, il viole Édouard. En d’autres mots, après un moment de désir partagé, l’histoire entre les deux hommes tourne au cauchemar.

Les propos qui précèdent le moment de violence entre Reda et Édouard nous intéressent ici. Nous essaierons de les comprendre à la lumière de l’« homonormativité » et en rapport avec l’exercice de construction de soi qu’est en train de réaliser Édouard. Dans le sens de Sam Bourcier, l’« homonormativité » est « un réajustement normatif au niveau des genres » : « Le bon gai, la bonne lesbienne sont aussi bien genrés » (Bourcier, 2018, p. 659).  Elle est une politique en faveur des droits homosexuels sans pour autant prendre en compte les (autres) inégalités créées par les institutions bourgeoises et l’ordre capitaliste néolibéral (Duggan, 2002, p. 179). En somme, c’est une politique des droits homosexuels qui ne prend pas en compte d’autres luttes sociales (Bourcier, 2017, p. 21 ; Bourcier, 2018, pp. 659-660). L’homo « homonormatif » n’essaie pas de défier la définition de la masculinité, ni les conséquences politiques liées. Il s’inscrit, malgré son homosexualité, dans l’ordre hétérosexuel, puisqu’il accepte le cadre sociétal existant, et sa conception binaire du genre, au lieu de l’affronter. Voici l’extrait qui nous semble pertinent en ce qui concerne la formation d’Édouard et l’homonormativité :

Mais [Reda] s’est éloigné et à nouveau : « Tu vas le payer, je vais te buter moi sale pédé, je vais te faire la gueule pédale » et j’ai pensé : Voilà pourquoi – j’ai pensé, je n’en suis plus si sûr aujourd’hui mais quand il l’a dit j’ai pensé : Il désire et il déteste son désir. Maintenant il veut se justifier de ce qu’il a fait avec toi. Il veut te faire payer son désir. Il veut se faire croire que ce n’était pas parce qu’il te désirait que vous avez fait tout ce que vous avez fait mais que ce n’était qu’une stratégie pour faire ce qu’il te fait maintenant, que vous n’avez pas fait l’amour mais qu’il te volait déjà. (Louis, 2016, pp. 137-138)

Un certain modèle d’entente entre hommes conduit donc, ici, à une impasse. Édouard et Reda ne se comprennent pas, alors que leurs corps se sont frottés l’un à l’autre. La courte relation entre les personnages masculins est une certaine forme d’homosexualité. Or, celle-ci pose plusieurs questions. Peut-on désirer ce que l’on trouve, à posteriori, repoussant, ou que l’on présente comme tel ? Pour Édouard, Reda a du mal à assumer sa sexualité, sinon il ne se servirait pas de l’injure « pédé ». Autrement dit, le désir, la vérité de son désir, pose problème pour Reda, mais il se peut aussi qu’il ne s’agisse que d’une interprétation de la part d’Édouard.

En d’autres mots encore, Reda n’assume pas sa sexualité dans les mêmes termes qu’Édouard. Plus exactement, le protagoniste se trouve confronté à une manière de vivre sa sexualité qui lui est encore, à ce moment, inconnue. Il est confronté à une performance contradictoire, où l’usage péjoratif du terme « pédé » indique curieusement une attirance homosexuelle. Cette performance incompréhensible le force à quitter le cadre de référence qu’il avait construit jusqu’ici. Il ne connaît pas cette forme d’homosexualité et il la rejette aussitôt. Quand on lit Louis à la lumière de Bourcier, et notamment quand on essaie de dépasser l’impasse qu’est la rencontre avec l’Autre violent, l’homonormativité, c’est la version homo de l’ordre hétérosexuel. Voilà pourquoi la Bildung échoue de nouveau, pour la quatrième fois donc.

Reda n’est pas un ange, précisons-le. Il a volé les affaires personnelles d’Édouard et il a commis une agression sexuelle. Il n’empêche que l’on peut ici lire la performance de genre d’Édouard, une performance « homonormative », en la rapprochant paradoxalement des masculinités ouvrières et bourgeoises qu’on a vues apparaître précédemment. Les normes de l’ordre hétérosexuel binaire sont reprises entièrement : on doit avoir un genre bien désigné et une sexualité qui se vit d’une manière uniforme. La performance homonormative est donc aussi contraignante que les versions picardes et bourgeoises de la masculinité. Édouard a du mal à s’entendre avec des personnes qui ne répondent pas aux normes. Il ne diffère donc pas tellement de ceux qui l’ont exclu auparavant. À ce moment du ce roman de formation à la quatrième étape, Édouard reste aussi démuni qu’avant. Le modèle homonormatif conduit à l’échec.

5. La monstruosité

Après les attaques violentes de Reda, Édouard, blessé, se rend aux urgences hospitalières. Il n’y est pas seul. Trois autres patients attendent leur tour d’être pris en charge par le service soignant. Nous n’attribuons pas immédiatement un genre aux trois individus, parce qu’Édouard n’y arrive pas. Avons-nous affaire à des hommes, à des femmes, à une catégorie intermédiaire, à l’indéfinissable du genre ? Un malaise définitoire est bien là et pourtant, Édouard se sent attiré par ce qu’il ne parvient ni à nommer ni à identifier. La première hypothèse est qu’il a affaire à des « femmes » « jolies ». Ensuite, on lit ceci :

La troisième personne était très grande, elle portait des chaussures à talon qui la grandissaient encore plus et la cambraient ; ses jambes étaient viriles, velues, ses mollets épais, robustes, musclés. Elle était vêtue d’une minijupe de cuir noir et d’un large manteau de fourrure synthétique, imitation léopard, ouvert, qui tombait jusqu’à ses genoux. Ses cheveux étaient courts, sa barbe épaisse. (Louis, 2016, p. 202)

On peut comprendre qu’il s’agit d’une personne travestie ou d’une personne transgenre, mais le narrateur se retient d’imposer des catégories trop connues. En revanche, il insiste sur la beauté de la « troisième personne » : « je contemplais sa beauté, émouvante » (Louis, 2016, p. 203). On voit donc que la rencontre ici évoquée brouille les cadres stricts de la masculinité et de la féminité. Le cas se complique un peu plus encore. Quitte à choquer, le personnage vêtu d’un manteau de fourrure indique appartenir au genre féminin : « on ne traite pas une jeune femme comme ça » (Louis, 2016, p. 203). En termes butlériens, cette femme barbue en minijupe « performe » un genre entre la masculinité et la féminité et elle le fait à dessein. Nous pouvons distinguer deux raisons possibles pour lesquelles ce personnage attire l’attention sur son genre. Une première hypothèse est que l’insistance du personnage prend un rôle important dans sa lutte pour obtenir les soins nécessaires. Butler nous rappelle que « [s]e trouver fondamentalement inintelligible (être considéré par les lois de la culture ou du langage comme une impossibilité) revient à dire que l’on n’a pas atteint le statut d’humain » (Butler, 2016, p. 50). La femme à barbe doit exprimer son genre sinon elle reste inintelligible et, par conséquent, en dehors de l’humanité. Or, il faut être humain pour recevoir des soins dans un hôpital…

Une deuxième hypothèse indique que l’individu qui attire l’attention du narrateur, en faisant semblant de vouloir clarifier son identité de genre, brouille en réalité les pistes. Nous soutenons davantage celle-ci, car elle ne prend pas en compte un recours à la normativité. Au contraire, par le biais de son affirmation, les cadres de compréhension existants sont mis en cause d’une façon que l’on pourrait appeler ironique, voire « guerrière ». La femme à barbe, une figure de résistance féministe d’ailleurs,[5] qui joue avec la masculinité et la féminité, transgresse l’ordre hétérosexuel, voire le dénaturalise. Il s’agit d’une victoire sur la conception binaire du genre. On pourrait sans doute qualifier ce personnage d’hybride, à la transgression voulue, de queer ou de « transpédégouine ».

La présence « transpédégouine » est gênante, certes, elle est aussi, dans la logique de Louis, forte. Sa force tient entre autres aux réflexions que Paul B. Preciado a formulées sur le « monstre » : « Le monstre est celui qui vit en transition. Celui dont le visage, le corps et les pratiques ne peuvent encore être considérés comme vrais dans un régime de savoir ou de pouvoir déterminés » (Preciado, 2020, p. 49). La présence « monstrueuse » ne fait donc pas peur à Édouard, elle lui paraît bénéfique et désirable. De plus, elle surgit dans un endroit emblématique à vocation d’apporter des soins, de guérir. L’incertitude, le « tremblement », le « trouble » agissent comme une thérapie, comme un remède.

La Bildung d’Édouard jusqu’ici se perdait dans la normativité de genre. D’abord, Édouard s’est considéré comme une fille ou un bourgeois, enfermé dans son corps de jeune garçon. Cette hypothèse, que nous pouvons appeler avec le terme de Talia Mae Bettcher « wrong-body model » (Bettcher, 2014, p. 383), indique un recours nécessaire à l’ordre genré. Une correction « physique » en faveur de la performance de genre d’une classe sociale ou d’un « sexe » est alors nécessaire. Nous constatons un recours à la normativité similaire lors des essais de virilisation, et lors de ce que nous avons appelé le stade « homornormatif », où, nous le répétons, les conceptions de genre et de sexualité sont aussi binaires et rigides que celles de l’ordre hétérosexuel. Après ces différentes étapes, arrive une sorte de libération, une théophanie presque. Lors de la rencontre à l’hôpital avec les « trois grâces », féminines et masculines à la fois, au genre indéfinissable, le « héros » est confronté à une performance de la « femme à la barbe » qui rompt avec une conception normative de genre. Et ce « monstre » « montre » cette position en dehors du cadre connu, et il l’assume. L’effet produit sur Édouard est décrit de la manière suivante :

Pourtant je me sentais en sécurité dans cette salle. Je me sentais hors d’atteinte, assis à côté d’elles, je me disais que nous partagions un destin commun, qu’elles pourraient me comprendre à un degré d’acuité et d’intelligence supérieur à celui de n’importe qui d’autre, ce qui est probablement faux, mais ma foi en l’idée que personne ne pouvait réellement me comprendre, qui m’a pourchassé dès le 25 au matin, a été suspendue le temps que j’ai passé dans cette pièce. (Louis, 2016, p. 203-204)

Disons d’une autre manière encore qu’Édouard est réconforté par la présence queer, donc, par le régime « transpédégouine ». Pendant un court moment, son isolement disparaît. Il se sent compris. Il a entrevu la possibilité d’une transgression qui est littéralement hors norme. Un autre monde s’annonce, un monde à venir où il n’y a plus d’exclusion, où les « monstres » assument leur différence et leur monstruosité. L’histoire s’arrête malheureusement à ce court moment. Elle est à suivre donc.

Références bibliographiques
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  • Preciado, P.B. (2020). Je suis un monstre qui vous parle. Grasset.

Notes

[1] Nous avons utilisé l’édition de 2017.

[2] Nous avons utilisé l’édition de 2015.

[3] Cette recherche en prolonge d’autres. Nous référons particulièrement à l’étude de Geneviève Morel (2015) sur le genre et la question de l’acceptation de soi. Raffaello Rossi (2015) établit un rapport entre le concept de la Bildung chez Louis et les travaux de Didier Eribon. Élise Hugueny-Léger (2017) analyse les tentatives de virilisation d’Édouard dans En finir avec Eddy Bellegueule à l’aide du concept de « travestissement ». Bruno Blanckeman (2017b) décrit Louis comme un « Rastignac gay ». Le critique remarque d’ailleurs l’importance de la formation scolaire pour la Bildung(2017a). Nous mentionnons aussi le travail de Jérôme Meizoz (2014) pour son analyse du « transfuge » et celui de Étienne Achille (2019) sur la description de l’environnement rural chez Louis.

[4] Italiques de l’auteur qui apparaîtront à plusieurs reprises dans le texte original. 

[5] Ainsi nous rappelons qu’en France, il existe un groupe d’action féministe qui s’appelle « La Barbe » et qui réapproprie la figure de la femme barbue afin de lutter contre l’hégémonie masculine. Pour plus d’information voir : https://labarbelabarbe.org


Maxim Delodder (1996) prépare sous la direction du professeur Franc Schuerewegen, une thèse de doctorat à l’Université d’Anvers. Sa recherche est financée par le Fonds national de la recherche belge (FWO – Research Foundation Flanders). Le projet de recherche se situe dans le domaine de la littérature française contemporaine, où il étudie en particulier la littérature queer et les enjeux communautaires que l’on peut y rattacher. Il s’intéresse aux différentes figures de la « communauté » que l’on peut repérer, entre autres, dans un corpus de romans « gay » (Guillaume Dustan, Hervé Guibert, Édouard Louis etc.). À part d’analyser les formes communautaires dans leur diversité, sa recherche prend comme objectif de comprendre les mécanismes de domination et de discrimination réparables dans les textes.

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